Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Russel-Aurore Bouchard
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 7 juin 2014

Le 4 octobre 1948 à Chicoutimi, la convergence de multiples origines atteint une forme d’absolu. Comment percevoir autrement la naissance de Russel-Aurore Bouchard? Ce personnage aussi fascinant que déroutant n’a cessé de grandir sous nos yeux, telle la figure de proue d’un navire affrontant les remous d’une identité extrêmement complexe. De son père Lucien Bouchard et de sa mère Solange Morissette, il hérite le métissage d’un sang triple : innu (ou kakouchak ou montagnais), écossais et canadien-français. Pour ajouter aux difficultés de sa quête identitaire, dès l’âge de quatre ans, il affronte la dualité de sa nature profonde, celle d’un être bispirituel qu’il parviendra à révéler à l’âge de 59 ans. Comme une seconde naissance, le 22 avril 2007, traversant le miroir, une Aurore Boréale s’affranchit d’un lourd secret plutôt que d’en mourir. L’homme Russel et la femme Aurore cohabitent désormais sous le double prénom : Russel-Aurore Bouchard.

L’enfant frondeur d’une époque turbulente à Chicoutimi-Nord n’a jamais déposé les cailloux. Une plume à la Voltaire diront certains Français, que l’historienne pamphlétaire trempe dans le vitriol comme d’autres montent aux barricades. Elle pourfend les fossoyeurs de notre patrimoine bâti, vilipende les négationnistes d’un peuple métis, conspue gens de pouvoir et médias pour peu qu’ils cèdent à la tentation de tronquer notre histoire ou pire de l’ignorer. Électron libre, son originalité n’échappe pas à l’incompréhension, encore moins à la controverse. Ses détracteurs exacerbent sa détermination, renforcent ses convictions. La qualité de ses écrits, la pertinence de ses recherches et l’ampleur de l’ensemble de son œuvre, dédiée à l’histoire de sa région, témoignent de sa valeur. En février 2011, la revue Saguenayensia de la Société historique du Saguenay rend hommage à la puissance de ses ouvrages historiographiques, la richesse de son écriture et la liberté de sa plume. «Un témoignage et une analyse de l’œuvre exceptionnelle d’un historien qui ne laisse personne indifférent», résume Laurent Thibault, rédacteur du magazine.

C’est dans la peau d’un homme que Russel termine un baccalauréat à l’Université du Québec à Chicoutimi, complété d’une maîtrise à l’Université Laval. Marié à Madeleine Bouchard, père de trois enfants, lesquels sont dans le secret de son double genre, sa carrière débute en 1975. Conservateur au Musée régional du Saguenay, puis en arts héraldiques et en sigillographie (étude des sceaux) aux Archives nationales du Québec jusqu’en 1980, l’écriture et la recherche vont finalement prendre toute la place.

Toutes ses passions, les armes, les navires, l’histoire des villes et villages du Saguenay–Lac-Saint-Jean, les grands bouleversements socio-économiques et les Métis de la Boréalie sont objets de recherches et de publications. Certaines se traduisent dans l’exécution de modèles réduits que Russel-Aurore crée avec le même souci du détail qui caractérise tout ce qu’elle fait. En pleine rédaction de l’ouvrage Jean-Daniel Dumas, héros méconnu de la Nouvelle-France, la modéliste a consacré 2000 heures à construire le Santa-Anna. Un navire de 112 canons de la guerre napoléonienne qui a combattu les Anglais en 1805, lors de la bataille de Trafalgar, au sud de l'Espagne.

Ses publications abondent. Les armes à feu en Nouvelle-France et Les fusils de Tulle en Nouvelle-France confortent sa notoriété d’historienne militaire spécialisée dans de ce continent aux États-Unis, au Canada comme au Québec. Considérant que ses travaux La Communauté métisse de Chicoutimi : fondements historiques et culturels, ainsi que Le Peuple métis de la Boréalie : un épiphénomène de civilisation ou encore La longue marche du Peuple oublié/Ethnogenèse et spectre culturel du Peuple métis de la Boréalie ont su mettre en relief l'influence de ceux-ci dans l'histoire de l'autochtonie québécoise, l’Union métisse Est-Oues> le nomme son «historien officiel».

Pamphlétaire redoutable, Russel-Aurore est une correspondante prolifique. À son actif, plus d'une centaine d'articles d'histoire publiés dans différents revues et journaux, ainsi que sur son blogue Les délires d’Akakia. Lorsque le patrimoine est en danger, lorsque la mémoire est menacée, monuments abandonnés, noms ou sites historiques occultés, lorsque la Société d’histoire crie famine, Russel-Aurore mène la fronde. Combative, elle ne craint pas la controverse, dénonçant toute veulerie. «On réagit ou on subit, dit-elle. À nous tous de décider. C'est aussi ça le devoir citoyen et la voix alternative que nous offre la démocratie...»

Auteur prolifique à l’excès, les livres ne sont pas seulement sur les tablettes de son bureau, mais bien au cœur de ses affections, au point d’apprendre l’art de la reliure. Visiteuse assidue de la Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager, fondée par Jeanne Blackburn, elle dénonce la destruction des livres : «C'est criminel, accuse-t-elle. La mémoire du Québec s'effondre. Le passé nous fait comprendre la réalité ou nous donne, du moins, les éléments pour s'en saisir. Il y a un énorme malaise mortel qui a atteint notre société. Le jour où notre région va perdre sa mémoire, le combat est terminé.»

En 2009, à la publication de Une histoire de la navigation sur le Saguenay, «le livre d'histoire le plus achevé de sa carrière» assure le réputé journaliste Bertrand Tremblay, celui-ci écrit : «Russel est un personnage unique, une observatrice vigilante de l'actualité régionale, une institution redoutée et respectée. Sa plume n'est jamais complaisante. Derrière l'historienne rigoureuse et méticuleuse se profile la polémiste attirée par le débat public, mais très respectueuse de la pensée des autres.»

Si les aurores boréales ont inspiré le choix de son prénom féminin, c’est davantage le feu d’un volcan qu’une danse de lumières qui anime cette bouillante défenderesse de notre patrimoine et de notre identité. Elle nous invite à être, avec passion, des humains, des êtres de mémoire, dignes, libres et faisant l’Histoire.


Le 7 juin 2014
RUSSEL-AURORE BOUCHARD

Historienne, écrivaine engagée, humaniste avérée
Ardente défenderesse de la mémoire de sa terre et de son peuple

fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet

***

samedi 5 septembre 2015

Une crise humanitaire sans précédent qui requiert l'engagement de tous



VENDREDI, SEPTEMBRE 04, 2015


Une crise humanitaire sans précédent qui requiert l'engagement de tous


Qui n’a pas été ému(e) jusqu’aux larmes à la vue du corps de ce bambin gisant sur une plage de la Turquie, face contre terre, le nez dans le sable, mort en essayant de fuir la guerre ? Qui ? Il s’appelait Aylan Kurdi et il n’avait que trois ans. Il gisait à côté de la dépouille de son petit frère, Galip, cinq ans, et de sa mère, Rehan. Comme cela arrive souvent dans ces situations extrêmes, seul le père a survécu. Tous les quatre venaient de Kobané. Ils fuyaient la guerre, la famine, le désespoir, et voulaient une vie meilleure.
 
 
 

Je ne sais pas si on a tous vu la même chose, mais moi j’y ai vu mon Stéphane, le plus vieux de mes fils, mon Nicholas, ma Audrey, mes enfants bien aimés. Aujourd’hui, j’écris pour son papa qui a tout perdu dans ce naufrage, pour crier ma tristesse devant cette suite ininterrompue de défilés macabres. Devant une telle scène, je n’ai pas le droit de rester insensible, pas le droit de ne rien faire même si je ne pèse rien dans la balance. Surtout pas le droit de ne rien dire puisque j’ai cette capacité de m’exprimer. L’humanité est un échec ! Total échec ! Je n’y peux rien et ça m’écoeure à en vomir !!! Surtout quand je sais si bien que le Canada pourrait faire plus, beaucoup plus pour soulager sa part de réfugiés.

Pour nous rassurer, les commentateurs du monde en paix prétendent que c’est le plus important mouvement migratoire depuis la Seconde guerre mondiale, ce qui sous-tend implicitement un retour à la normale d’ici peu. Ce serait rassurant de le voir ainsi, mais ça n’est pas ça qui se passe. Dans ces images de fin des temps, il y a un message universel qu’il faut s’empresser de décoder. Je ne suis ni devin ni prêche, mais je vois avec les yeux de l’Histoire dans laquelle se noient mes pensées et s’étouffent mes espérances. Ce que je vois dans ces images d’horreur, c’est la faillite de l’humanité qui a oublié sa fonction première, l’entraide, et qui ne se résume plus qu’à une question de finances.

Dans cette marée humaine en guenilles qui a commencé avec l’invasion de l’Irak au début des années 1990, et dont le flot ne semble pas vouloir se tarir depuis, ce n’est pas un autre chapitre d’histoire qui s’écrit mais bien le début d’une conclusion. Pour en saisir l’importance, un bref rappel s’impose. L’histoire du monde a commencé quelque part dans la corne de l’Afrique, sur un sol désséché dans les dunes désertiques de l’actuelle Éthiopie, là où on a trouvé les restes fossilisés de Lucie. De là est né un premier peuple qui en a mis au monde plusieurs autres. Et puis, pour des raisons qu’on connaît encore mal, croissance démographique, famine et guerres aidant, les premiers peuples ont entrepris de se déplacer vers le nord méditerranéen. De là, ils ont rejoint et colonisé l’Asie, le Moyen-Orient, l’Europe, l’Australie et l’Amérique…

Ce qui se passe aujourd’hui est mû par les mêmes ressorts, emprunte les mêmes corridors naturels. Le mouvement ne concerne pas que le Moyen-Orient et l’Europe. Il est planétaire. Il répond aux mêmes réflexes humains, marque la cassure de civilisation qui s’envenime comme la gangrène dans une plaie trop longtemps négligée. Nous croyons que cela ne nous concerne pas en Amérique à cause des océans qui font écran. Détrompons-nous ! Tôt ou tard, nous aurons, nous aussi, à en subir les effets. D’ici là, nous avons des devoirs impérieux envers ces gens. En tant que communauté solidaire, nous devons faire notre part partout où notre aide est requise, participer pleinement aux plans de sauvetage. À ceux qui nous gouvernent ou qui ambitionnent de prendre le pouvoir en octobre prochain de faire le nécessaire. Pas demain ! Pas après les élections où nous convient tous les chefs de partis ! Mais tout de suite ! Cessez de parler et agissez, l’Humanité et l’Histoire vous regardent…

Russel-Aurore Bouchard
Historienne

Chicoutimi

vendredi 20 juin 2014

Russel-Aurore Bouchard sur vidéo au gala 2014


Quelques minutes pour se souvenir
d'un grand moment




Gala 2014 de l'Ordre du Bleuet
Russel-Aurore Bouchard

Réalisation Ariel Laforge
Texte Christiane Laforge
Lectrice Paule Therrien


Commentaires de Russel-Aurore Bouchard


Bonjour Christiane.

Je me proposais justement de t'écrire un petit mot pour te remercier de cette merveilleuse soirée. De la grande classe, du respect et de l'authenticité en tout. Cela valait bien la peine de surmonter cette angoisse de l'avant-veille et d'affronter cette crainte inavouée de me voir ainsi afficher au grand écran avec de si grands noms qui éblouissent le ciel des arts et de la culture au Saguenay–Lac-Saint-Jean. En présence de Michel Dumont et Michel-Marc Bouchard avec lesquels j'ai échangé des voeux d'amitié pour une première fois, je me suis suis sentie transporter au pinacle de la gloire fleurdelysée. 

Depuis notre rencontre, je me demandais comment tu allais surmonter la difficulté de l'avant et de l'après traversée du miroir. Dès la levée du rideau, mes doutes et mes craintes ont subitement laissé place à la fierté d'avoir été à l'honneur dans le temps d'arrêt de cette parenthèse culturelle. Ta manière de brasser mes photos, homme et femme, femme et homme, sans te sentir obligée envers ces deux espaces temporels, a été génial. Pour Madeleine et pour moi, ce fut un moment de bonheur et de grâce que nous avons doublement partagé avec nos amis, les lauréats et l'assistance.

Les diaporamas m'en ont également appris beaucoup sur les artistes et les créateurs avec lesquels j'ai partagé cette merveilleuse soirée des Oscars saguenéens-jeannois. À cet égard, je lève mon chapeau à celle qui a rédigé l'éloge biographique me concernant. Trois jours après le coup, je suis encore charmée. Cendrillon n'a pas perdu son soulier de vair et le carrosse ne s'est pas changé en citrouille sur le coup de minuit ; je nage en plein compte de fée et, enfin, je n'ai pas été tenue de jouer le rôle du prince charmant...

Merci ! Mille fois merci à toi !! Et encore merci à ceux et celles qui m'ont accompagnée spécifiquement au cours des événements de la soirée, à la présidente de l'événement qui a su y faire, à la maîtresse de cérémonie et à toute l'équipe sur laquelle repose une telle réussite... 

Ton amie

Russel-Aurore Bouchard
Historienne et auteure
Membre de l'Ordre du Bleuet
Chicoutimi


lundi 9 juin 2014

Le mot de Russel-Aurore Bouchard


Russel-Aurore Bouchard, reçue membre de l'Ordre du Bleuet.
Son trophée et certificat d'honneur lui ont été remis par 
 Gaétan Côté, vice-président  Lac-Saint-Jean de l'OB.
© Photo Andrée-Anne Lachaine


Mes remerciements
Sans passion, le talent et le génie comptent pour bien peu. Et sans passion, la vie n'est pas vécue pleinement. Et ma passion à moi, c'est de faire ce qui est en mon pouvoir et en mes talents pour la communiquer aux esprits éveillés et sensibles.


Merci à ma compagne de vie, merci à mes enfants et à ma famille, merci à mes amis et à ceux qui m'aiment, qui croient en moi et qui n'ont jamais cessé de m'encourager. Car c'est grâce à vous tous que j'ai pu exprimer mon goût de la mémoire, de l'histoire et de l'Humanité.

Nous ne sommes grands que par les autres.

Merci à vous tous...


Russe-Aurore Bouchard




        
logoODB

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.